Le Conseil d’Etat vient de rendre un avis aux conséquences pratiques importantes pour les auteurs des plans, schémas et programmes susceptibles de faire l’objet d’une évaluation environnementale sur décision de l’Autorité environnementale dans le cadre de la procédure du « cas par cas », et dont la portée paraît devoir être étendue aux décisions de dispense d’étude d’impact.
Dans cet avis, la Haute-Juridiction qualifie de « mesure préparatoire » la décision par laquelle l’autorité de l’Etat compétente en matière d’environnement décide de dispenser d’évaluation environnementale un plan, schéma, programme ou autre document de planification mentionné à l’article L.122-4 du code de l’environnement (ces documents sont énumérés au II de l’article R.122- 17 du code de l’environnement : plans de prévention des risques, aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine, plans de sauvegarde et de mise en valeur…). S’agissant d’une mesure préparatoire à l’élaboration du document ou du programme, elle est insusceptible d’être déférée directement au juge de l’excès de pouvoir. Un tiers n’est donc pas recevable à former un recours devant le juge administratif à l’encontre de la décision de dispense prise par l’Autorité environnementale. Mais cela ne signifie pas pour autant que cette décision de dispense est absoute de tout contrôle possible du juge administratif : ainsi que le précise le Conseil d’Etat dans son avis, « La décision de dispense d’évaluation environnementale pourra, en revanche, être contestée à l’occasion de l’exercice d’un recours contre la décision approuvant le plan, schéma, programme ou document ».
Il y a donc à ce jour une dualité de régime juridique de contestation des décisions de l’Autorité environnementale dans le cadre de la procédure de cas par cas :
- La décision de l’Autorité environnementale imposant la réalisation d’une évaluation environnementale peut faire l’objet d’un recours contentieux devant le juge de l’excès de pouvoir, mais ce recours contentieux doit être précédé d’un recours administratif préalable devant l’Autorité environnementale qui a pris la décision (article R.122-18 IV du code de l’environnement) ;
- La décision de l’Autorité environnementale dispensant de la réalisation d’une évaluation environnementale ne peut pas faire l’objet d’un recours contentieux devant le juge de l’excès de pouvoir. Elle ne peut être contestée qu’à l’occasion d’un recours contre la décision qui approuve le plan, schéma, programme ou autre document de planification.
En cas de dispense, les auteurs de ces documents seront donc confrontés à une certaine insécurité juridique au sens où la question de la légalité de la décision de dispense d’évaluation environnementale ne pourra être tranchée avant que ne soit approuvé le document qui a été élaboré sans évaluation environnementale, cette approbation pouvant avoir lieu plusieurs mois, voire plusieurs années après l’intervention de cette décision de dispense. Si le juge administratif venait à juger illégale la décision de dispense et annuler le document subséquent, la procédure devrait être reprise en amont.
La solution de cet avis du Conseil d’Etat rendu en matière de dispense d’évaluation environnementale nous paraît transposable aux cas de dispense d’étude d’impact par l’Autorité environnementale dans le cadre de la procédure du cas par cas, compte tenu de la similitude rédactionnelle des dispositions du code de l’environnement (article R.122-18 sur l’évaluation environnementale et R.122-3 sur l’étude d’impact), et ce, contrairement alors à la solution retenue par certaines juridictions (par exemple, CAA Douai, 15 octobre 2015, n° 14DA01578, qui a jugé recevable le recours directement formé contre la décision du préfet, en qualité d’autorité environnementale, de dispense d’étude d’impact d’une création de ZAC). Les opérateurs ne seraient alors fixés sur la légalité de la décision de dispense d’étude d’impact qu’à l’occasion du jugement sur un recours contre leur permis de construire ou opérations d’aménagement, cette question ne pouvant être purgée en amont dans le cadre d’un recours direct contre la décision de dispense.
Genesis Avocats
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