Par une décision du 10 février 2016, le Conseil d'Etat précise sa jurisprudence sur l’intérêt à agir contre les permis de construire, d’aménager ou de démolir en application de l’article L.600-1-2 du code de l’urbanisme (CE 10 février 2016, req. n° 387507).
Dans une précédente décision, le Conseil d’Etat avait donné le « mode d’emploi » de l’article L.600-1-2, en jugeant qu’il appartient respectivement :
- au requérant : « de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien » ;
- au défendeur : « s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité » ;
- au juge saisi du recours : « de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci » (CE 10 juin 2015, req. n° 386121).
Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat avait pris le soin d’indiquer que la circonstance que le projet contesté soit visible depuis la propriété des requérants ne suffit pas, par elle-même, à faire regarder la construction comme de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance des biens des requérants, au sens de l’article L.600-1-2 du code de l’urbanisme.
Dans sa dernière décision du 10 février 2016, le Conseil d’Etat relève que, malgré une demande du juge de régulariser leur requête en précisant l’atteinte qu’ils prétendaient subir, les requérants ont seulement établi que leurs propriétés étaient mitoyenne pour l'une et en co-visibilité pour l'autre, du terrain d'assiette du projet litigieux en se bornant à produire « leurs attestations de propriété », un « plan de situation cadastral » et un « plan de situation sommaire » portant la mention : « façade sud fortement vitrée qui créera des vues ».
Le Conseil d’Etat confirme l’insuffisance de ces éléments pour justifier d’un intérêt à agir en considérant que « les écritures et les documents produits par l'auteur du recours doivent faire apparaitre clairement en quoi les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien sont susceptibles d'être directement affectées par le projet litigieux ».
Il résulte de cette décision que pour justifier d’un intérêt à agir le requérant doit définir clairement une atteinte (perte de vue, perte d’ensoleillement, bruit…) et apporter les éléments justificatifs tendant à établir cette atteinte.
A défaut, la requête peut être rejetée comme manifestement irrecevable par ordonnance sans audience publique.
Le juge a donc la possibilité de faire un tri dès l’introduction des requêtes sous réserve d’avoir invité, si nécessaire, le requérant à régulariser sa requête.
Toutefois, le juge conserve la possibilité de trancher cette question au fond et donc après une instruction complète.
La jurisprudence reste donc encore en construction, les requérants et les juges devant s’adapter aux nouvelles exigences imposées par l’article L.600-1-2 du code de l’urbanisme.
Genesis Avocats
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