Par un arrêt en date du 19 juin 2020, le Conseil d’Etat a dû trancher une question nouvelle : quel est l’effet d’un recours introduit à l’encontre d’un permis de construire modificatif sur la validité du permis initial ?
Deux principes étaient jusqu’alors acquis à travers deux arrêts bien connus :
- la délivrance d’un permis modificatif est sans incidence sur le délai de validité du permis initial (CE, 4 juillet 1994, SCI « Les Palmiers », n° 116778) ;
- le refus de délivrer un permis modificatif et le recours contre ce refus n’est pas de nature à produire des effets sur le délai de validité du permis initial (CE, 21 février 2018, Crest-Voland, n° 402109).
Selon l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme, la durée de validité du permis de construire est fixée à trois ans à compter de sa notification.
L’article R. 424-19 du code de l’urbanisme confère un effet suspensif au recours contre « le permis ».
Dans l’affaire qui nous intéresse, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon avait jugé que le recours contre un permis modificatif était sans effet sur le cours du délai de péremption du permis initial.
Saisi de la question et suivant les conclusions de son rapporteur public le Conseil d’Etat juge, au contraire, que par la combinaison des articles R. 424-17 et R. 424-19 du code de l’urbanisme :
« si la délivrance d'un permis de construire modificatif n'a pas pour effet de faire courir à nouveau le délai de validité du permis de construire initial, le recours contentieux formé par un tiers à l'encontre de ce permis modificatif suspend ce délai jusqu'à l'intervention d'une décision juridictionnelle irrévocable ».
Comme le relève le rapporteur public Alexandre LALLET : « un permis modificatif est aussi un permis (…). Dans ces conditions, un recours contre le permis modificatif dont les effets s’incorporent à ceux du permis initial même s’il en constitue un acte distinct, peut s‘analyser comme une tentative de remise en cause du projet dans son ensemble. Il est donc pertinent d’arrêter le compte-à-rebours pour le tout ».
Le Conseil d’Etat fait donc le choix, pour apprécier les effets d’un recours sur le délai de validité du permis initial, d’une conception englobant l’ensemble des autorisations en tant qu’elles portent sur un seul et même projet. En introduisant un recours à l’encontre d’un permis initial ou de ses modificatifs, un requérant conteste avant tout un projet. Partant, tout recours à l’encontre d’un modificatif est de nature à suspendre le délai de validité de l’autorisation portant principalement le projet : le permis de construire initial.
Par cette décision, le Conseil d’Etat fait encore une fois preuve de réalisme à l’égard des titulaires d’autorisations et s’efforce de pallier le silence des textes.
Surtout, il permet, s’agissant de projets d’ampleur nécessitant une évolution dans le temps, que les contentieux successifs à l’encontre des permis modificatifs ne soient pas de nature à mettre un terme au délai de validité du permis initial.
Catherine Lopes
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