Réforme du droit des obligations : effets du contrat et sanctions

L’ordonnance du 10 février 2016 réformant le droit des obligations traite successivement des effets du contrat entre les parties, puis à l’égard des tiers et de la sanction de son inexécution.

Les effets du contrat entre les parties

  • La force obligatoire

L’article 1103 reprend la formule bien connue de feu l’article 1134 : «Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. » et l’article 1193 rappelle que les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties ou pour les causes que la loi autorise.

  • L’introduction de la théorie de l’imprévision

L’article 1195 constitue une innovation importante puisqu’il introduit la théorie de l’imprévision dans le droit des contrats, notion qui était déjà présente et appliquée en droit administratif. Ainsi cet article dispose : « Si un changement de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe. »

Cette disposition qui n’a qu’une valeur supplétive pourra donc être écartée par les parties lors de la conclusion du contrat en stipulant que l’une ou l’autre des parties accepte de prendre la charge d’un bouleversement de l’économie du contrat.
Afin d’éviter tout comportement dilatoire, le texte prévoit que la partie qui demande une renégociation du contrat doit continuer à exécuter ses obligations et que le recours au juge n’est que subsidiaire.

  • L’effet translatif

Les articles 1196 et suivants entérinent les solutions établies en posant en principe que dans les contrats ayant pour objet l’aliénation de la propriété ou d’un autre droit, le transfert de propriété s’opère par le seul effet de la conclusion du contrat, sauf clause contraire.

Les effets du contrat à l’égard de tiers

  • Les dispositions générales

L’article 1199 rappelle que le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties et l’article 1200 précise que les tiers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat et peuvent s’en prévaloir notamment pour la preuve d’un fait.
L’article 1201 traite de la simulation en stipulant que l’effet de la contre-lettre produit ses effets entre les parties et que les tiers peuvent s’en prévaloir s’ils en ont connaissance.

  • Le porte-fort et la stipulation pour autrui

Si l’article 1203 rappelle que l’on ne peut s’engager en son nom propre que pour soi-même, l’article 1204 valide désormais la pratique de la stipulation pour autrui.
Le porte-fort quant à lui est défini à l’article 1204 en envisageant tout à la fois le porte-forte de ratification, le porte-fort de conclusion et enfin le porte-fort d’exécution.
L’alinéa 2 précise que le promettant est libéré de toute obligation si le tiers accomplit le fait promis et que dans le cas contraire il peut être condamné à des dommages-intérêts.

La stipulation pour autrui fait l’objet des articles 1205 à 1209. L’article 1205 définit la stipulation pour autrui tandis que l’article 1206 en précise les effets (droit direct au profit du bénéficiaire) et le principe de la libre révocation jusqu’au jour où l’acceptation parvient au stipulant.

  • La cession de contrat

Les articles 1216 à 1216-3 consacrent le régime de la cession de contrat en prévoyant le remplacement d’une des parties au contrat par un tiers. La cession de contrat ne peut être conclue qu’avec l’accord du cocontractant (qui peut néanmoins être donné préalablement) et doit faire l’objet d’un écrit. Si le cocontractant a donné préalablement son accord, la cession doit lui être notifiée pour lui être opposable.
L’article 1216-1 précise les effets de la cession de contrat : le cédant n’est libéré pour l’avenir qu’avec l’accord du cédé et à défaut il reste solidairement tenu à l’exécution du contrat. Mais cette disposition n’est pas d’ordre public et les parties peuvent y déroger contractuellement.

L’inexécution du contrat

L’ordonnance regroupe en une seule section le régime de l’inexécution du contrat qui faisait l’objet de dispositions éparses dans le Code civil.

L’article 1217 énumère les sanctions à la disposition du créancier de l’obligation :

  • Refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
  • Poursuivre l’exécution en nature de sa propre obligation ;
  • Solliciter une réduction de prix ;
  • Provoquer la résolution du contrat ;
  • Demander réparation des conséquences de l’inexécution du contrat.
  • et précise que les sanctions ne sont pas incompatibles et peuvent se cumuler et des dommages-intérêts peuvent toujours s’y ajouter.

L’article 1218 quant à lui donne une définition légale de la force majeure : un événement échappant au contrôle du débiteur qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées.

  • L’exception d’inexécution

Il s’agit de la possibilité offerte à une partie de ne pas exécuter son obligation si l’autre n’exécute pas la sienne. Il faut que l’inexécution soit suffisamment grave, et ne doit pas être utilisée comme un moyen de pression sur le débiteur.

L’article 1220 prévoit une exception d’inexécution par anticipation permettant au créancier d’une obligation, avant tout commencement d’exécution du contrat de suspendre l’exécution de sa prestation s’il est manifeste que le débiteur ne s’exécutera pas. Là encore il faut que les conséquences de l’inexécution soient suffisamment grave et que le créancier notifie sans délai au débiteur la suspension de l’exécution de sa propre prestation.

  • L’exécution forcée en nature

L’article 1221 pose tout d’abord le principe selon lequel le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature, rompant ainsi avec la règle de l’article 1142. Les exceptions sont celles retenues par la jurisprudence : l’impossibilité matérielle et la disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier.
Le créancier peut également, après mise en demeure, faire exécuter l’obligation par un tiers solliciter le remboursement des frais au débiteur, sans autorisation judiciaire préalable, le juge n’intervenant qu’en cas de refus du débiteur de payer ou de contestation de sa part. Le créancier peut également démolir ce qui a été mal exécuté mais il doit alors obtenir une autorisation judiciaire préalable.

  • La réduction de prix

L’article 1223 généralise la réduction de prix qui n’était possible que dans certains cas bien déterminés. Désormais, le créancier d’une obligation imparfaitement exécutée peut l’accepter et solliciter en contrepartie une réduction de prix sans avoir à recourir au juge.

  • La résolution

L’article 1224 rappelle que la résolution du contrat peut résulter soit de l’application d’une clause résolutoire, soit d’une d’une décision de résolution unilatérale, soit d’une résolution judiciaire.
En cas de résolution unilatérale, et sauf cas d’urgence, le créancier doit mettre en demeure le débiteur d’exécuter son obligation, et en cas d’inexécution suffisamment grave, il peut prononcer la résolution du contrat à ses risques et périls. Le débiteur peut à tout moment saisir le juge et contester la résolution.
Enfin, l’article 1229 prévoit les conséquences de la résolution : lorsque les prestations auront servi à chacune des parties au fur et à mesure de l’exécution du contrat, la résolution n’aura pas d’effet rétroactif et sera alors qualifiée de résiliation. L’article 1230 consacre la survivance des clauses relatives au règlement des différends, des clauses de confidentialité et de non concurrence.

  • La réparation du préjudice résultant de l’inexécution du contrat

La sous-section 5 (articles 1231 à 1231-7) reprend à droit constant les dispositions de l’actuelle section 4 du chapitre III du Titre III du Code civil, avec seulement quelques modifications de formes.
L’article 1147 devient l’article 1231-1 : « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’inexécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »

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